Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le coffret Collection Alakazam-ex ?
Voir le deal

Le journal de voyage.

3 participants

Aller en bas

Le journal de voyage.  Empty Le journal de voyage.

Message par Valkyren Dim 15 Aoû 2021 - 9:02

C’est ici que vous pouvez écrire vos résumés et ce que je vous avez retenus des aventures.
Valkyren
Valkyren
Cyclope
Cyclope

Messages : 456
Date d'inscription : 27/07/2016

Revenir en haut Aller en bas

Le journal de voyage.  Empty Re: Le journal de voyage.

Message par Toritsuma Lun 16 Aoû 2021 - 13:59

Récit de Meryle Bodman, prêtresse guerrière de Morr

Le journal de voyage.  Altdor10

Altdorf était une cité de voies étroites, engoncées entre de hautes maisons et mal ventilées.
En période de famine, les paysans quittaient la campagne pour vivre comme des mouches autour du corps blafard du palais impérial. Là, les pavés remplaçaient la boue puante et les rues s’élargissaient pour protéger les bien-nés de la plèbe.
Le Chaudron Ardent était entre deux mondes, celui des rues pavées et celui de la fange. Encore quelques famines et il pourrait bien être submergé par la misère.
L’établissement était tenu par une famille d’halfling à la tête de laquelle trônait Ferdinand Branchefrêne, toujours derrière son comptoir, le sourire communicatif et débordant de dix pas autour de l’auberge.
Même les mains-tranchées et les langues-coupées restaient sur le trottoir opposé afin de n’avoir rien à faire avec cette bonne humeur déplacée.
Cet après-midi-là, nous amorcions notre approche du dîner par quelques bières lorsqu’un étrange individu prit place à côté d’Alvarus, notre resplendissant compagnon haut-elfe. Ce n’était pas la première fois qu’il attirait les regards et les tentatives d’amitiés intéressées. Il faisait tout pour, mais d’une royale passivité qui augmentait sa singularité et n’arrangeait rien à l’affaire. Un haut-elfe au milieu de la compagnie d’halflings et d’humains, voilà qui n’était pas banal.
Cependant, l’admirateur n’avait, lui aussi, rien de commun. Sa toilette relevait plus du nobliaux perdu loin de ses quartiers. Après plusieurs minutes d’indifférence totale de la part d’Alvarus, il se décida enfin à bredouiller une avance.
Il s’appelait Friedrich Borhn, héritier d’un petit domaine proche de la capitale et dont les affaires étaient plutôt bonnes. Il souhaitait qu’Alvarus et nous, ses amis, l’accompagnons sur son domaine pour convaincre sa mère qu’une carrière à l’académie de Magie lui serait profitable et ce, malgré les réticences de la Dame. Friedrich nous expliqua que la magie était fortement présente dans sa famille et que son grand-père, disparu un jour après quelques recherches sur le sujet, avait profondément peiné sa mère.
L’histoire incongrue semblait avoir convaincu Alvarus, lui-même mage, qu’un petit discourt pédagogique était nécessaire afin de remettre ces humains dans le droit chemin. De notre côté, ce fut plutôt les nombreuses pièces d’argent payées d’avance qui finirent par nous convaincre. Toutefois, si Alvarus semblait bien correspondre au besoin de Friedrich, ses trois compagnons – dont je faisais partie - n’avaient rien de la garde disciplinée d’un noble en gogette. Friedrich éveilla nos soupçons mais son air implorant et ses pièces d’argent eurent raison de nos doutes. Gabriella, notre jeune apothicaire halfling accepta joyeusement tout en questionnant Friedrich sur sa famille. Sacha, notre humaine fille des rues aux longs cheveux blancs resta plus discrète mais accepta également devant les arguments du jeune seigneur. Quant à moi, je n’augurais rien de réjouissant. Humaine aussi, Impassible et froide, vêtue de noir et d’épingles en forme de crânes, il ne faisait aucun doute que je servais Morr, le dieu de la vie dans l’au-delà. Friedrich aurait peut-être pu mieux choisir son escorte mais nous n’allions pas laisser passer une telle aubaine.
Il fut ainsi convenu de retrouver Friedrich et Alvarus à l’aube, devant l’ambassade elfique de la ville. Sacha, Gabriella et moi avions notre couvert ici à l’auberge tant que nos économies nous le permettaient. Après une tournée générale lancée par Gabriella, le groupe se sépara et les heures nocturnes arrivèrent.
Des bruits de violence nous réveillèrent pendant la nuit. Ils provenaient d’une rue voisine de l’auberge.
Sacha quitta le dortoir des femmes et disparut dans l’obscurité pour chercher un point vue en hauteur. Quant à moi, je m’accroupis près de la fenêtre et de Gabriella qui n’avait qu’à rester debout. Manifestement, nous n’étions pas les seuls à tenter un regard depuis des volets entrouverts.
La scène se déroulait trop loin de nous pour que nous puissions entendre ce qui se disait mais nous vîmes l’essentiel.
Un inquisiteur, flanqué de quelques gardes, interrogeait un pauvre citoyen gisant à terre. Manifestement les réponses qu’il obtint de sa victime ne le satisfirent pas. Il se releva, dégaina un pistolet et abattit l’homme dans une détonation de poudre noire. Les volets du voisinage se refermèrent vivement. L’inquisiteur eu un mouvement désinvolte vers ses gardes en désignant le cadavre et deux d’entre eux s’en emparèrent à contre-cœur. J’enfilait ma veste et mes bottes rapidement, pris le reste de mes affaires et sortit de l’auberge juste à temps pour suivre les gardes.
Manifestement il ne s’agissait que d’un poids mort pour eux et ils ne savaient quoi en faire. En général c’était la brigade de ville qui s’occupait des cadavres lors de ses patrouilles de nuit.
Je me manifestais à eux en m’assurant qu’ils remarquent bien les attributs du Maître des morts.
Ils profitèrent de ma proposition de délestage pour me laisser le corps et déguerpir. Qui sait quelle aberration auraient-ils pu commettre avec cette âme à guider.
Alors que je me penchais pour soulever le corps, Sacha sortit des ténèbres et soulagea le défunt de ses quelques possessions. Elle me donna des documents que malheureusement je ne pouvais encore déchiffrer. Mes leçons d’écriture avec Maître Gorza n’en étaient qu’à leur début.
Alors que Sacha m’aidait à porter le corps jusqu’à une fosse commune où je pourrai recommander son âme à Morr, elle me souffla qu’elle avait tout entendu des échanges avec l’inquisiteur : ce dernier avait questionné sans succès l’homme au sujet d’un noble récemment arrivé en ville. Tiens tiens… Il faudra que l’on ait une petite discussion demain matin entre nous au sujet de Friedrich Borhn.
Une fois notre devoir accompli, nous rentrâmes au Chaudron Ardent pour finir le reste de notre nuit.
L’architecture elfe a, à la fois quelque chose de ravissant et de propre qui vous sort d’un quotidien médiocre, mais qui vous rappelle également la place d’être inférieur qui est la vôtre.
Nous étions dans la cour de réception de l’ambassade elfique et personne n’avait jugé bon de nous tirer dessus. Il était tôt le matin. Friedrich et Alvarus sortirent en tenue de chasse. C’étaient des vêtements bien plus précieux que ce que je ne pourrai en espérer à mon futur mariage. Ils étaient plutôt allègres devant la perspective d’une balade hors de la ville. Nous attendîmes qu’ils nous rejoignent, Gabriella, Sacha et moi, tandis que des serviteurs apportaient des montures pour le voyage.
Dès que cela fut possible je pris à part mes compagnons et expliquait ce qu’avait entendu Sacha de la bouche de l’inquisiteur dans la nuit. Gabriella se chargea d’amener le sujet avec tact auprès de Friedrich. Ce dernier changea de couleur lorsque notre Halfling suggéra qu’il pouvait avoir quelques problèmes et il nous fit la promesse de nous en parler dès que nous serions hors des murs de la cité.
Alvarus suggéra qu’il cache son visage sous une capuche tandis que nous traverserons les faubourgs de la ville. J’en fit de même pour éviter qu’il soit le seul encapuchonné du groupe. Cependant, l’effervescence diurne des rues d’Altdorf eurent tôt fait de nous noyer dans l’anonymat ambiant. En quelques minutes nous étions déjà sur la route du Reikwald. Friedrich arrêta la progression et nous nous rapprochâmes de lui.
Il nous avoua avoir menti quand à sa véritable motivation de nous embaucher et de l’escorter jusqu’à ses terres. Depuis quelques temps, celles-ci étaient en proie à des phénomènes magiques étranges causant chaos et malheur et inquiétant ses voisins. Il avait ainsi du entrer anonymement en ville pour chercher une aide « non-officielle ». Cela avait, manifestement, attiré les suspicions d’un inquisiteur.
Il avait l’air pleinement sincère cette fois et nous reprîmes route vers le domaine des Borhn. L’attente ne fut pas longue et après trois heures de chevauchée, la forêt laissa place à des terres exploitées entourant une bourgade. Mais alors que mon cheval faisait quelques pas supplémentaires, Morr souffla à mon âme qu’une magie impie était à l’œuvre sur ces terres et trompait le cycle naturel de vie et de mort.
Devant ma mise en garde, l’inquiétude de Friedrich s’accentua. Il nous proposa de questionner les paysans les plus proches et justement, nous étions juste à côté d’une ferme.
Nous fîmes avancer les chevaux jusqu’à pouvoir percevoir l’état de la terre et des bâtiments. Un silence inquiétant accentuait le renâclement de nos montures et les bruits de sabots. Pas de trace d’activité. Pas de bruits. Il semblait que des cadavres d’animaux gisaient au seuil de la porte ouverte de la grange. Je conseillais à mes compagnon de démonter ici et de continuer à pied. Je mis donc pied-à-terre et m’équipa de ma masse d’arme et de mon grand bouclier noir arborant le symbole de Morr en son centre. Sacha - qui n’avait jamais bien froid aux yeux - m’accompagna volontiers munie d’une longue dague. Gabriella préféra rester en retrait en sa qualité de civil. Alvarus suivit avec prudence mais sans signe d’inquiétude. Friedrich nous dépassa d’un pas vif bien décidé à rencontrer au plus vite ses amis villageois. San trop y réfléchir je lui hurlais de rester en retrait, ce qu’il fit, même s’il proposa de nous offrir son épée. J’étais à son service pour l’empêcher de mourir indignement. Et si Morr seul savait comment il finirait ses jours, je devais m’acquitter de ce pourquoi j’avais été payé.
Je pris un instant pour prier Morr et lui demander de renforcer mon âme et celle de Sacha à côté de moi. Je fus exaucée. Je m’attendais à devoir faire face bientôt à une vision d’horreur. Sacha et moi en tête, nous arrivâmes au seuil de la grange. Nous jetâmes un regard à l’intérieur.
Le vol de centaines de mouches brisait le silence. Le bétail avait été massacré. Les corps des animaux gisaient ici et là. A l’intérieur de la grange, l’un d’eux bougeait par soubresauts. Le ventre d’un cheval mort tressautait sous les coups de dents du fermier et de sa femme. Ils n’avaient plus rien d’humains.
Pour la première fois de ma jeune vie de prêtresse de Morr j’étais confrontée à ses ennemis sacrés. Des morts-vivants. Je me retournais vers nos compagnons restés en arrière et leur décrivait la situation. J’allais avoir besoin d’aide même si nous convenions que Gabriella et Friedrich pouvaient rester en retrait.
Les deux créatures dévoraient la chair sans se préoccuper du danger à venir. Après un temps pour s’assurer de notre courage, nous leur fonçâmes dessus armes à la main. Je fracassais le corps du fermier alors que la fermière morte-vivante recevait les coups de dague de sacha et des projectiles de magie lumineuse tirés par Alvarus. Nous eûmes rapidement raison d’eux et Friedrich s’approcha de ce qui restait de ses gens alors que je récitais une oraison pour les guider dans l’au-delà.
Friedrich pleura sur le sort des deux fermiers. Mais je fis aussitôt un mouvement en arrière alors que ses émotions semblaient produire un effet magique non contrôlé. Tous les nœuds de ses vêtements se défirent tous seuls. S’il n’était pas mage, il semblait bien, mais involontairement, doué de magie. Et la magie, sans contrôle, est dangereuse.
Après avoir recouvert les corps des fermiers sous un tertre de terre et de pierres, nous prîmes la direction du bourg. Le lourd silence et la sensation de menace permanente étaient partout.
Un homme malade marchait sur la route. Quand il nous vit, il nous supplia de lui venir en aide avant de vomir une gerbe de sang sur le chemin. Gabriella se porta à sa hauteur et sortit de sa besace de quoi le soigner. Nous nous tînmes toutefois à l’écart, regardant faire notre petite soigneuse.
Accompagné de l’homme, nous approchâmes de l’auberge du bourg où manifestement des villageois s’étaient barricadés. Ils étaient méfiants et firent mauvais accueil au jeune Friedrich, tout était selon eux la faute des nobles. Seule Gabriela put entrer dans l’établissement avec la recommandation de l’homme qu’elle venait de soigner. De toutes façons, nous nous attendions à rencontrer d’autres dangers sur la route et la jeune halfling n’était pas faite pour les affronter. Alors que nous discutions de notre prochaine direction à quelques mètres devant l’auberge, une clameur de panique retentit dans la bâtisse. Une dizaine de villageois sortit en trombe, suivie par une jeune halfling décontenancée. Les habitants du bourg ne firent que quelques pas puis vomirent à leur tour des gerbes de sang, leur corps se tordant, se convulsant jusqu’à rappeler la forme monstrueuse que les deux premiers fermiers avaient adopté. Friedrich eut encore un mouvement de compassion et s’approchant d’eux, il essaya de les calmer.
Là encore je lui hurlais dessus pour qu’il s’arrête et ne soit pas lui aussi contaminé par cette magie souillée.
Il fallait faire vite et achever ses pauvres diables avant qu’ils ne deviennent les monstres que nous redoutions. Ce fut un massacre. Mais Morr le sait, nous fîmes en sorte d’arrêter le processus de transformation à temps. Nous n’avions pas le choix.
Lorsque la dernière arme se mit au repos, là encore Friedrich fut pris d’un violent accès de sentiments. Il resta prostré sans qu’aucun effet spectaculaire de magie non désirée se manifesta. Gabriella s’approcha de lui afin de lui dire quelques mots d’apaisement. Friedrich, jusqu’ici plutôt poli et affable, sauta à la gorge de l’halfling faisant mine de vouloir l’étrangler. Toutefois, il se reprit avant que nous ne puissions intervenir. Encore un effet chaotique de magie après son accès d’émotions fortes ? Sûrement.
Reprenant son souffle, Gabriella nous raconta ses quelques minutes à l’intérieur de l’auberge. Elle y apprit que les villageois affamés consommaient des champignons inconnus, visiblement atteints de mutation. Avec l’aide d’Alvarus nous comprîmes qu’une magie impie, liée à la nécromancie, était à l’œuvre. Il nous faudra poursuivre jusqu’à la demeure des Borhn afin de trouver l’origine de tout ça et mettre un terme à cette maudite situation. Ou, si Morr le souhaite, nous mourrons en essayant.


Dernière édition par Toritsuma le Lun 16 Aoû 2021 - 16:47, édité 1 fois
Toritsuma
Toritsuma
Lich
Lich

Messages : 2035
Date d'inscription : 20/09/2017

Revenir en haut Aller en bas

Le journal de voyage.  Empty Journal de Gabriella Souvaillant, entrée 1

Message par SPX Spécial Lun 16 Aoû 2021 - 21:31

Le journal de voyage.  Extern11

Vous avez des soucis de santé ? Une blessure ? Une sale affliction ? Un volcan dans l’estomac ? Une maladie honteuse qui fleurit dans les maisons de passe ?

Je m’appelle Gabriella Souvaillant, et suis la solution à ce genre de problèmes !

Héritière d'une longue tradition des recettes et du dosage des ingrédients transmise de mère en fille depuis six générations, je suis une spécialiste des potions. Outre les soins « conventionnels », je mets régulièrement mes compétences au service de recherches plus exotiques. Je réponds ainsi aux commandes particulières (impuissance, problèmes de parasites divers et variés, recherche du bonheur artificiel), et mes prix sont raisonnables.

Alors que j’ai fêté il y a peu mon quarante-deuxième printemps, j’ai l’impression qu’Esméralda a décidé de faire tourner le vent dans une autre direction. Je tiens ce journal en raison d’événements qui se sont succédé et qui m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Mais ce n’est pas pour me déplaire ! Vous allez voir qu’il m’est souvent arrivé de paniquer ou de me fâcher, mais à la fin, je ne regrette rien.

En effet, je ne regrette rien, parce que la vie à Altdorf n’est pas vraiment intéressante. En cette année 2510 du Calendrier Impérial, on ne peut pas dire que les affaires soient fleurissantes. Oh, bien sûr, je ne crève pas de faim dans la rue, mais je n’ai rien d’autre qu’une misérable mansarde non loin du quartier des docks, et pas encore ma propre boutique. Mais ça viendra, foi d’Esméralda !

Cela fait quelque temps que je suis une cliente régulière de l’auberge du Chaudron Ardent, le tenancier étant Ferdinand Branchefrêne, un vrai Halfling. C’est une taverne fréquentée en grande partie par des commerçants, artisans, comme moi. Pas le grand soir, mais pas non plus un boui-boui minable.
Parmi les habitués de cet établissement honorable, je compte deux personnes qui, avec le temps, sont devenues plus proches, des relations plus amicales et approfondies.
Il y a d’abord Sacha. C’est une Humaine qui doit sans doute être originaire du Kislev, compte tenu de la pâleur extrême de sa peau et la blancheur de ses cheveux. Une jeune femme très svelte, habituée aux lois impitoyables de la rue. Je la vois régulièrement jouer avec une dague, ou faire des petites plaisanteries à base d’imitation de voix et de ventriloquie. Il m’est arrivé de temps en temps de soigner une petite coupure par-ci, une légère entorse par-là… Hé, tout le monde peut tomber dans un escalier ou se taillader le bras en coupant du saucisson. Je ne sais pas au juste ce qu’elle fait vraiment dans la vie, ni ce qu’elle cherche, mais ce ne sont pas mes affaires. Je lui souhaite juste de trouver ce qu’elle cherche. Déjà, elle me fait confiance, ce qui, je le sais, est un privilège rare.
Une autre personne se détache de la clientèle habituelle : une initiée de Morr, le dieu de la Mort, une Humaine du nom de Merylle Bodman. Elle m’a demandé une fois ou deux de lui fournir une décoction pour soulager les personnes condamnées à mourir afin d’abréger leurs souffrances, et son temple m’a déjà payée pour lui fournir du formol. Sœur Merylle n’est pas une personne joyeuse, à l’image des hommes et femmes qui ont juré de consacrer leur vie au Dieu de la Mort et des Rêves. Je l’ai juste vu rire une fois. Toujours vêtue de noir, avec des motifs en forme de crâne sur son pendentif et son bouclier. Elle est plutôt costaude pour une Humaine, grande, blonde, au regard profond, et je la sais forte et déterminée. Par contre, ne jamais essayer de plaisanter avec elle au sujet de la mort ! En tout cas, elle a toute mon admiration. Je sais que je ne serai jamais aussi grande et forte qu’elle. Mais j’espère pouvoir être une sœur d’armes digne d’elle !

Toute notre histoire commence avec une rencontre : alors que je suis à la table de Sœur Merylle avec Sacha, en train de déguster une bonne bière, un jeune homme vient nous trouver, un très bel Humain brun, avec une barbe finement taillée, des vêtements qui laissent à penser qu’il a de l’argent. Il prend place à côté de la prêtresse.
L’inconnu se présente : Friedrich Borhn. Je connais ce nom. C’est une famille de petits seigneurs de la baronnie du même nom, à quelques heures de marche d’Altdorf. Cette baronnie est connue pour être rurale, vivant de produits de la ferme, jusqu’à ces dernières années où cet endroit s’est développé financièrement et politiquement. Cette famille a le vent en poupe. Et ce monsieur a tout l’air d’avoir l’âge de l’héritier légitime. Ce qu’il confirme. Sa mère, Wilfrida Borhn, est veuve récente.
Enfin, il se met à table : il cherche quelqu’un qui pourrait, contre rémunération, l’accompagner chez lui pour convaincre sa mère que la magie, ce n’est pas diabolique, et qu’elle peut le laisser s’inscrire à une école de magie, selon son désir. Et il nous propose une couronne chacun pour ce service. Hé bien ! Pas à dire, voilà qui est cher payé pour un petit service comme ça ! Il nous donne déjà la moitié d’avance : dix pistoles d’argent.
Sœur Merylle lui demande pourquoi nous trouver, nous, et pas un mage ? Il répond que les écoles de magie sont toutes fermées à ce jour à cause de récentes tensions. En plus, le problème prend sa source dans une tragédie familiale : son père était un mage, et a délaissé sa famille, jusqu’à disparaître complètement. Sa mère, donc, d’abord fière d’être l’épouse d’un mage, a fini par nourrir une détestation tenace envers les mages. Mais Friedrich souhaiterait en devenir un, comme tous les hommes de sa famille. Et si Dame Wilfrida ne voudra sans doute jamais adresser la parole à un mage, il n’en sera pas autrement pour la représentante d’un dieu associé à une certaine retenue et à de la sapience.

Quelle bonne idée ! Cela va nous permettre d’échapper au moins pour un temps au quotidien banal et ennuyeux d’Altdorf, et de voir la campagne ! Qui sait, je pourrai peut-être proposer à sa mère une décoction pour égayer ses journées ? Peut-être que je pourrai trouver des herbes rares en chemin ?

Nous partirons demain matin. Bientôt, vient l’heure d’aller nous coucher. Du bruit dehors attire alors notre attention. Une curiosité malsaine me pousse à aller jeter un œil. Deux soldats sont en train de passer à tabac un homme par terre, alors qu’un type à l’air sinistre, avec un grand chapeau-tuyau. Le type sort un pistolet et tue le bonhomme !

Holà, je ne veux pas être mêlée à ça ! Sacha et Sœur Merylle sortent pour suivre ce groupe, mais moi, je ne bouge pas de l’auberge. On se retrouvera demain.

Le lendemain matin, nous nous retrouvons devant l’hôtel où Maître Friedrich loge. D’après mes camarades, l’inquisiteur de cette nuit cherchait justement notre employeur. Alors que celui-ci arrive, je décide de le convaincre de passer à table. Je lui fais les yeux doux, joue les petites jeunes filles innocentes et gentilles à faire fondre, et le persuade de reconnaître qu’il prend des risques, et nous en fait prendre.
Mon petit numéro de charme fait effet, Maître Friedrich accepte de tout nous raconter, mais hors de la ville. Alors, on le déguise avec une cape à capuche, je monte en croupe de son cheval tandis que les deux autres empruntent chacune un cheval amené par notre nouvel employeur, et nous voilà tous partis.

Une fois dehors, il avoue : sa mère devient folle, et tout le village est en décrépitude à cause de quelque chose qui se répand dans le village. Il espère trouver de l’aide, sans succès, et le Collège de Magie est fermé, et les seigneurs voisins parlent d’envoyer l’Inquisition… Pour le moment, il a pu garder le secret, mais le fait d’être entré sans se présenter a coûté la vie d’un homme…

Malédiction ? Maladie ? Sabotage ? Nous trouverons ! Nous arrivons au bout de quelques heures à la baronnie. Une fois sortis d’une forêt, nous voilà aux abords du domaine Borhn. Sœur Merylle fait soudain la grimace : elle demande clairement « qu’est-ce qui se passe avec les morts ? », comme si, au fond de ses tripes, elle ressentait quelque chose. Après tout, c’est peut-être une capacité intrinsèque aux servants de Morr ? Friedrich propose de s’arrêter à la maison d’un dénommé Waldemar. La prêtresse prépare ses armes. Cela ne me dit rien qui vaille…

Je constate alors quelque chose de très louche : non seulement il n’y a aucune activité dans cette ferme, pas un seul signe de vie, mais surtout, je vois très clairement dans l’étable des animaux morts. Je le signale tout de suite. Sœur Merylle part en avant, suivie par Sacha. Je reste près de Friedrich, mais celui-ci court vers l’étable. La prêtresse de Morr l’arrête net d’un ordre bien senti, et repart vers l’étable, suivie par Sacha. Une fois qu’elle voit ce qui est dedans, elle prie, tend la main vers Sacha, puis s’adresse à nous : « Je vais finalement avoir besoin de votre aide. » Hélas, je n’ai aucune compétence pour ce genre de situation ! Je vais rester près de Friedrich.
Sœur Merylle pénètre dans l’étable. Sacha bondit dans le petit bâtiment à sa suite, et à entendre le glapissement qu’elle fait, je devine qu’elle s’en donne à cœur joie ! En quelques secondes, ça se termine, le calme revient.

Friedrich se précipite vers l’étable, me laissant toute seule. Je décide de le suivre. Essoufflée, j’arrive dans l’étable. Horreur ! Des moutons ont été dévorés, et je vois par terre les cadavres pas frais d’un Humain et une Humaine. Sœur Merylle se penche vers Friedrich, qui est à genoux, en larmes. Par contre, chose curieuse, il a le pantalon sur les chevilles et sa veste, déboutonnée, menace de glisser. Pourquoi ? Quand je lui fais l’observation, messire Friedrich se rhabille, gêné. Nous prenons le temps d’enterrer les corps avant de reprendre la route.

Plus loin, nous voyons quelqu’un venir à pied dans notre direction, qui lève la main à notre vue. Il titube comme s’il était épuisé, mais il n’a pas l’air plus mort que vivant. Par contre, il vomit du sang à notre vue. Hémorragie interne, sans doute. Professionnelle, je le soigne avec efficacité. Il a de la fièvre, mais il guérira. Un remède de ma composition fera tomber la chaleur, et lui permettra de bien dormir. D’ailleurs, il ne tarde pas à sombrer dans un sommeil réparateur. On l’emmène avec nous sur le dos du cheval de la prêtresse de guerre.

En chemin, je demande qui a tué les bêtes. Sœur Merylle me confie gravement la vérité : les lieux sont hantés par des morts-vivants ; les bêtes ont été dévorées par le couple de fermiers, dont le triste état des dépouilles laissait pourtant à penser qu’ils étaient morts depuis déjà quelques jours. Et donc, les deux cadavres de fermiers ont été animés par une magie impie, j’ai soudain un coup au cœur. Quelle horreur ! Hé, les Halflings ne sont pas réputés pour leur courage… Heureusement que Sœur Merylle est là. Je suis certaine que c’est la personne la mieux placée pour régler ce problème.

Nous arrivons aux abords du centre d’un petit village, avec notamment une auberge. Les volets et portes de la bâtisse sont bien fermés, contrairement aux autres habitations. Sacha s’avance vers l’auberge pour tâter le terrain, suivi de près par Maître Friedrich. Notre employeur appelle. Une voix furibarde lui répond de l’interstice entre les volets d’une des fenêtres. Maître Friedrich essaie d’engager le dialogue, mais les villageois à l’intérieur ont l’air remontés contre ces « nobles qui sont fautifs de toute cette folie ». Finalement, un vieux paysan armé d’une fourche sort, cramoisi de colère. Il est persuadé que les nobles du coin utilisent une puissante magie noire pour animer les morts. Sœur Merylle arrive à le calmer.
Le vieil homme demande alors : « hé, mais c’est Alfred ! Qu’est-ce que vous lui avez fait ? » Je réponds alors que j’en ai fait un de mes patients. Comprenant qu’il a affaire à une apothicaire professionnelle, il me demande de le suivre pour s’occuper des autres villageois, ce que je fais bien volontiers. Pendant que Sacha et Sœur Merylle restent dehors à surveiller les alentours, j’entre dans l’auberge, pour voir les blessés.

Une vingtaine de personnes, hommes, femmes et enfants, est confinée dans la salle à manger. Le vieux m’explique que cela fait plusieurs jours qu’il y a des cas de vomissements très douloureux. On me propose de la soupe. Je ne sais pas pourquoi, mais une petite intuition me murmure de me méfier. Non pas que je les soupçonne de vouloir m’empoisonner, mais après tout, une épidémie de problèmes digestifs peut être la conséquence d’une mauvaise alimentation.
J’en profite pour ajouter qu’Esméralda m’a accordé, dans sa divine grâce bienveillante, un petit don : outre le palais très sensible propre aux Halflings, j’ai un sens de l’odorat très développé, ce qui m’est régulièrement utile. Et une fois de plus, j’en tire avantage : pas besoin de goûter à la soupe pour déterminer que les champignons ont un fumet très bizarre. Je demande alors quels sont ces champignons ? « Des bolets que j’ai cueillis moi-même », me répond une femme maigre. À ma demande, elle m’en amène un échantillon pas encore préparé.
Il ne me faut guère plus d’une seconde pour voir que ce sont des champignons mutants ! Surtout, ne pas perdre son calme, ne pas provoquer la panique. Je dis calmement que ce ne sont pas des bolets, ni même des champignons bons à manger. Et soudain, tragique coïncidence, plusieurs personnes se mettent à vomir du sang. C’est la panique !
Les villageois qui ne sont pas atteints, catastrophés, se bousculent pour quitter l’auberge. Ils se poussent les uns les autres au niveau de l’entrée, d’autres dégagent rapidement à toute force les barricades aux fenêtres pour bondir dehors. Rapidement, il ne reste qu’une dizaine de personnes en train de convulser à terre. Sœur Merylle et Sacha entrent en trombe, toutes armes dehors, et sans réfléchir plus longtemps, frappent les victimes de la mutation ! La prêtresse de Morr m’ordonne de les imiter : Elles vont mourir, et se transformer en zombies ! Il n’y a, hélas, plus qu’une chose à faire : les achever rapidement ! Tant pis, je sors ma dague, et je taillade la nuque des corps convulsant à ma portée.
C’est épouvantable, mais court. Au bout d’une demi-minute, plus aucun son ne parvient à mes oreilles. Les dix villageois gisent dans leur propre sang. Quelle horreur ! Hélas ! Maître Friedrich est prostré dans un coin, choqué par la scène. Je vais alors pour le rassurer : nous ne pouvions rien faire d’autre pour eux qu’abréger leurs souffrances inévitables et irréversibles. Et maintenant que nous connaissons la source du problème, nous allons pouvoir l’éradiquer.
Mais est-ce que je dis ça pour le rassurer… ou pour me rassurer, moi ? Il semblerait que la vie d’aventurière soit un peu différente que ce que j’imaginais en écoutant les contes de mon grand-père…

SPX Spécial
SPX Spécial
Demi Lich
Demi Lich

Messages : 2732
Date d'inscription : 12/08/2014
Age : 44
Localisation : Paris 15e arrondissement

Revenir en haut Aller en bas

Le journal de voyage.  Empty Journal de Gabriella Souvaillant, entrée 2

Message par SPX Spécial Lun 23 Aoû 2021 - 21:35

Sire Friedrich veut absolument voir ce qui est arrivé à sa mère, sans doute en danger. Et donc, nous nous dirigeons vers le château de la famille Borhn, campé sur la colline. Chemin faisant, nous voyons d’autres zombies qui rampent sur le sol, nous les achevons au passage. La grande porte de la palissade ne s’ouvrira sans doute pas, il va falloir trouver une autre issue. Maître Friedrich nous mène jusqu’à la sortie de l’égout du château, une ouverture dissimulée au milieu des buissons. Nous allons pouvoir remonter jusqu’à la cour intérieure, à condition de supporter l’odeur fétide qui se dégage du tunnel.

Avant de passer dans l’entrée de cet obscur tunnel, nous repérons plusieurs grappes de champignons mutants le long des pierres qui constituent les bordures. J’ai une idée : il faut se couvrir le nez et la bouche, pour éviter le danger des spores. Une fois prêts à partir, nous nous enfonçons dans les entrailles de la terre aussi courageusement qu’un quatuor de coqs de combat.

Nous progressons un temps indéfinissable. Les lueurs vacillantes de nos torches créent des ombres qui tanguent sur les murs. Subitement, sans prévenir, une sorte de fluide blanc et collant est aspergé sur nous, ce qui nous immobilise. Je me sens comme une petite mouche prise dans une toile d’araignée. Et la métaphore n’est pas exagérée ! Cette matière est bel et bien de la soie gluante, et voilà qu’arrivent les responsables, à savoir d’énormes araignées !

Nous tentons de nous extirper de cette saleté, mais c’est du solide. Les araignées passent à l’attaque. Des araignées presque aussi grosses que moi ! L’une d’elles me saute sur le dos et me plante ses mandibules dans l’épaule. Saisie de douleur, je glisse et je tombe sur elle, ce qui l’écrase !

Sacha et Sœur Merylle se battent comme des forcenées pour les réduire en bouillie. Friedrich est rapidement pris d’assaut et littéralement embarqué par ces petites horreurs qui tissent à toute vitesse un cocon de toile pour le tirer vers le fond du tunnel. Mes deux compagnes se dépêtrent et me libèrent, et nous allons de l’avant.

Nous continuons tout droit, au pas de course, à la poursuite des araignées, jusqu’à une source de lumière qui vient du dessus. C’est une bouche d’égout ouverte, elle laisse paraître la lumière du soir. Alors que nous approchons, nous voyons des araignées fuir sous nos pas. Je demande alors à haute voix : « est-ce que quelqu’un pourrait dompter les araignées ? » D’après Sœur Merylle, un nécromancien pourrait le faire. Même si ces animaux sont des êtres vivantes, le contrôle de la vermine est une spécialité pour les pratiquants de magie noire.

Sœur Merylle passe la tête par la bouche d’égout pour observer. Elle propose de sortir et de se mettre à couvert. Nous sortons. Nous voyons à quelques dizaines de yards les araignées tirer le cocon emprisonnant Friedrich vers le château. Ce qui ne semble pas inquiéter les gardes alentour. Sans doute sont-ils sous une influence maléfique !

Bien cachée derrière un tonneau, je réfléchis à la situation tout en surveillant Sacha. La jeune femme grimpe sur un toit pour y voir plus clair, je la perds de vue. Un instant plus tard, j’entends d’au-dessus de moi un bruit sec, et une masse tombe du toit pour se fracasser par terre. C’est sans doute un garde posté en hauteur. Je repère bien un uniforme, mais mon oreille perçoit un grand craquement, alors que mon œil voit le corps complètement désarticulé comme un pantin brisé. Suprême horreur, je comprends que l’uniforme ne recouvre plus qu’un squelette décharné !
Je quitte ma cachette pour bouger d’ombre en ombre, précédée par Sœur Merylle. Je profite des porches, des colonnes, des recoins. Attirés par le bruit de la chute (tiens, les squelettes peuvent entendre ? Peut-être qu’ils réagissent aux vibrations de la terre comme les serpents ?), des gardes squelettes arrivent, il y en a une dizaine ! Heureusement, ils ne nous repèrent pas.

Au fur et à mesure de notre avancée, nous arrivons aux abords du château lui-même. Sacha fabrique un grappin improvisé avec une corde et un pied-de-biche, et s’en sert pour escalader le mur. Je frissonne pour elle en voyant sous ses pieds les formes des bras maladroitement tendus et tremblants de dizaines de zombies qui flottent dans les douves. Heureusement, la brave Sacha ne se laisse pas démonter par ce spectacle de cauchemar. Elle arrive sur le parapet, et tire le levier pour baisser le pont-levis. L’énorme structure en bois se meut dans un grand raclement. Plus question d’être discrets, à présent !

Nous entrons d’abord dans la cour. Château Borhn est plutôt luxueux, avec de l’art gothique. Statues, vitraux, fontaines, tout y est. Nous franchissons la double porte principale de la bâtisse, peu rassurées. Sœur Merylle murmure alors une prière à Morr. Nous entendons alors une voix féminine qui semble résonner sur les murs, chaque phrase a l’air de partir d’un recoin différent de la précédente.

« Pourquoi avez-vous enlevé mon fils ? Vous me l’avez ramené, c’est gentil, mais pourquoi l’avoir enlevé ? Vous êtes comme les autres ? Vous convoitez l’héritage de notre famille ? »

J’essaie de « sympathiser » avec cette inconnue, sans doute la maîtresse des lieux, en lui proposant une potion gratuite pour un teint de jeune fille. « Un cadeau pour moi ? Comme c’est gentil ! Moi aussi j’ai un cadeau pour vous… Fargo ! Au pied ! » Ce « Fargo » arrive bien vite : c’est un épouvantable Loup décharné, dont on voit les os et la chair pourrissante sous les lambeaux pendants de peau. Fidèle à mon habitude de me fier à mon instinct de conservation, je me planque derrière une colonne. J’entends un fracas de tous les diables : Sacha a envoyé une dague pour couper une corde de lustre, et le lustre est tombé sur la créature. Sœur Merylle lui écrase la tête d’un coup de masse.

Ce nouvel obstacle surmonté, nous montons l’escalier. Quelques marches plus haut, une silhouette encapuchonnée nous attend. Pas moyen de voir son visage, mais l’individu n’a pas l’air aussi décharné qu’un zombie ou un squelette. Ses mains ont gardé leur chair, quoique la couleur est plutôt grisâtre. Je ne puis cependant retenir un cri épouvanté quand il rabat sa capuche et révèle son visage. C’est Friedrich. Énucléé, les yeux cousus. Terrifiée, je me cache derrière Sœur Merylle. Une fois de plus, les deux guerrières se déchaînent pour délivrer le pauvre jeune seigneur d’un sort pire que la mort.

Le pauvre Friedrich Borhn n’est plus qu’un corps sans vie, fracassé, étendu de tout son long sur les marches de marbre. Je tombe à genoux près de lui et éclate en gros sanglots. Il comptait sans doute sur nous pour l’arracher définitivement des griffes de sa mère, au besoin par l’épée. Mais il n’avait pas prévu que cette infâme sorcière irait jusqu’au bout pour le soumettre ! Comment une mère peut faire délibérément autant de mal à son enfant ? Pourquoi, pourquoi ???

Mes deux amies me rassurent : son âme sera reçue dignement par Morr. Nous devons aller de l’avant pour faire cesser cette folie !

Nous franchissons la dernière porte pour arriver dans la salle de réception. Tous les volets sont fermés. Nous voyons une grande femme, brune, qui se tient droite, dans une robe aux motifs de crânes. Elle a l’air jeune, comme si elle était à peine âgée d’une trentaine d’années Humaines.

Il s’agit à n’en point douter de Wilfrida Borhn, la mère de Friedrich, et maîtresse des lieux. Sœur Merylle tente de faire parler. Veut-elle la raisonner, ou simplement gagner du temps ? Quoi qu’il en soit, Dame Wilfrida nous explique sa version de l’histoire : Friedrich, seul héritier mâle de la famille Borhn, aurait dû « assumer l’héritage familial ». Au lieu de ça, il se serait laissé monter la tête par les « dilettantes des Collèges d’Altdorf ». Et donc, Dame Wilfrida a décidé de « remettre un peu d’ordre dans ses idées ». Même si j’aurais dû y penser plus tôt en voyant les champignons et les squelettes, ce n’est que maintenant que je comprends pleinement que le malheureux Friedrich aurait mieux fait de fuir.

Elle nous reproche d’avoir « tué » son fils en lui mettant des idées de refus d’héritage familial en tête. Ah non, elle ne va quand même pas nous coller ça sur le dos ! Elle sort une énorme épée noire et se jette sur Sœur Merylle. Sacha plonge sur la grande femme à son tour. Révoltée, je me sens comme saisie par une colère noire complètement inhabituelle. La peur s’est envolée pour laisser place à l’envie d’en découdre. Avec une fureur qui m’est peu coutumière, je dégaine ma dague, et je me jette sur la sorcière, aux côtés de mes sœurs d’armes !

Le combat qui s’ensuit est furieux et acharné. À un moment, Wilfrida mord Sœur Merylle à la gorge, et le sang de la prêtresse gicle, elle tombe. Horreur ! Je m’empresse de me dégager du combat pour lui faire un bandage. Sœur Merylle se relève et repart à l’assaut. Hélas, la sorcière lui envoie un tel coup d’épée qu’on entend ses côtes casser. Une fois encore, pendant que Sacha croise le fer avec notre ennemie, je viens au secours de la prêtresse de Morr. Faute de pouvoir lui retirer son armure et lui plâtrer le torse, je lui glisse dans la bouche une potion stimulante pour pouvoir atténuer la douleur, le temps de gagner le combat. Pas très sain ni fair-play, mais efficace, Sœur Merylle repart en avant, et écrase la nuque de la sorcière d’un coup de sa masse.

Quelque chose craque, plus fort qu’une colonne vertébrale. Le coup de Sœur Merylle ne fait pas que neutraliser Wilfrida : ça rompt aussi la magie maléfique qui lui donne ses pouvoirs. La femme vieillit brutalement, alors que le temps la rattrape. C’est une vieillarde flétrie par les décennies et la noirceur qui roule aux pieds de la prêtresse avant d’expirer. Sœur Merylle la contemple avec condescendance. Elle sort une bouteille d’huile de son sac à dos, en asperge la dépouille, rallume sa torche, et la brûle avec « Wilfrida Borhn, présente-toi devant Morr. » Elle ramasse prudemment son épée maudite dans un linge. De son côté, Sacha crochète un gros coffre qui contient des couronnes. On en prend chacune quarante.

Alors que nous sortons, Sacha disparaît aussitôt ; en effet, une patrouille d’une vingtaine de soldats de l’Empire arrive vers nous, l’inquisiteur d’hier soir en tête. Sœur Merylle lui confie l’épée maudite de la sorcière. L’inquisiteur lui autorise la crémation de tout le monde, puis il s’en va, deux des soldats portant l’épée avec mille précautions. Officiellement, l’Inquisition a encore réglé le problème.

Et voilà, telle a été ma première aventure. J’ai dû rapidement comprendre qu’il n’y a pas de héros, seulement des gens un peu moins malchanceux et un peu plus braves (ou bien plus fous) que la moyenne. Et les honneurs sont réservés à ceux qui ont déjà le pouvoir. Je vais repartir à Altdorf et m’occuper plus sérieusement des blessures de mes amies, et puis… je reprendrai le travail.

Je ne sais pas quand le frisson déraisonnable me saisira à nouveau, peut-être le destin ne frappera-t-il plus jamais à ma porte. Mais je reste prête. Qui sait ce qui peut arriver, dans un empire si grand ?
SPX Spécial
SPX Spécial
Demi Lich
Demi Lich

Messages : 2732
Date d'inscription : 12/08/2014
Age : 44
Localisation : Paris 15e arrondissement

Revenir en haut Aller en bas

Le journal de voyage.  Empty Re: Le journal de voyage.

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum