[Knight] Mémoires du futur - Susan

Susan, journal, été 2037



Jeudi 2 juillet
Londres est en vue.
De gigantesques murs de défense s'élèvent au-dessus des vieux quartiers périphériques On aperçoit derrière eux, les lumières de la ville.
Le bateau s'engage au pied de ces monstres vers un chenal balisé. Il nous emmène droit vers un énorme poste de contrôle aux quais saturés de barques et de bateau divers.
Sur la droite, juché sur une tour de fortune, un homme surveille les amas de mouettes et en abat certaines au fusil de précision.
Mardi 7 juillet
Cela fait maintenant cinq jours que la sécurité périphérique nous maintien en attente sur le bateau. Impossible de savoir quand notre demande sera examinée. Stan s'est énervé sur un des gardes. Les autres l'ont directement mis en joue.
Mercredi 15 juillet
Sarah est morte. Nous l’avions accueillie sur le bateau avec sa fille Jenny afin de partager avec elles les quelques poissons récupérés de la Tamise. Sarah souffrait de malnutrition, je ne sais pas vraiment de quoi elle est morte exactement.
Vendredi 17 juillet
Les gardes m’ont entendu chanter lors de l’oraison funèbre la veille. Ils m’ont dit que je pouvais passer avec un titre de citoyen provisoire d’échelon 9. Comprenant qu’il ne s’agissait que de moi, j’ai voulu protester mais Stan et Rebecca m’en ont dissuadé. J’ai promis de revenir les voir dès que possible mais nos yeux étaient moins optimistes. Jenny était blottie dans les bras de Rebecca. Stan, lui, regarda vers l’est.
Je me suis arrêtée un instant pour écrire.
Il reste encore une centaine de marches à gravir le long du mur.

Samedi 18 juillet
Il y a tellement de monde ici. Les rues de Londres ne désemplissent pas. Cela me rappelle Montréal mais aussi les terres désertées du Massachussetts et du Vermont.
Le Knight est installé à Westminster, les habitants appellent le lieu « Camelot » en référence au château du roi Arthur de la légende. De gigantesques holos colorés d’Arthur ou de ses chevaliers en action surmontent le toit et il est aisé de repérer les lieux. Devant l’entrée, quelques gardes maintiennent un périmètre de non-attroupement.
L’un deux est en armure et attire sur lui tous les regards.
Lorsque je me suis approchée pour lui parler, personne ne m’a pris pour une menace.
- Inutile d’hausser la voix je vous entends parfaitement me dit-il. L’armure me retransmet les sons périphériques sans atténuation.
- Désolée. Je viens d’arriver en ville et…
- Vous voulez vous faire recruter ? Bonne chance. L’entrée est à cinquante mètres sur la gauche.
- Ok… merci.
- Ne me remerciez pas, c’est l’essentiel de mon boulot aujourd’hui.
- Vous vous relayez ?
- Évidemment qu’on se relaye. Personne n’a envie de jouer les gardes de la reine en permanence.
- …
- Hey ! Si j’étais vous je cacherais d’avantage la tâche rouge sur votre cou. Ça ne trompera personne ici, au Knight, mais ça peut vous éviter des ennuis en ville.
- Ok, merci encore… heu
- Branch, Chevalier Branch. On se reverra peut-être qui sait…

Le hall d’accueil des prospects était envahi de toutes sortes de gens.
Les enfants et les vieillards restaient de côté.
Il y en avait des dizaines. Des milliers il y a quelques mois, parait-il, lorsque les premières campagnes de recrutement commencèrent.
La légende voulait que les chevaliers d’Arthur, voir même Arthur lui-même, recrutent directement les futurs écuyers du Knight. Mais la réalité était autre.
Seul un peu moins d’un pourcent de la population possédait une physiologie adaptée aux méta-armures et seule encore une petite fraction franchissait les dernières étapes des tests.
Que vous soyez un grand héros ou le dernier des criminels, la probabilité était la même.
Je venais de passer le test de « réponse ».
Sans autre forme de procès, tous les candidats passaient ce test. Au bout d’une dizaine de minute, casque sur la tête, une IA avait assez de données pour évaluer si vous étiez positifs pour ne serait-ce que démarrer les tests d’aptitude. Mais il lui en fallait une cinquantaine pour donner un résultat aux recruteurs. On vous demandait tout juste votre nom et votre âge.
D'autres questions viendraient plus tard, si par hasard, votre test de réponse était ok.
J’étais assise par terre, contre un mur.
Devant moi, une vingtaine de box filtrait les candidats, casque sur la tête et assistés d’un opérateur ou d’une opératrice qui répétaient invariablement les mêmes consignes.
Le reste du hall était envahi par les gens qui comme moi attendaient une réponse.
Régulièrement, les bavardages étaient coupés par l’annonce d’un test : « Lawrence Mitchell, négatif. Veuillez quitter les lieux ». Votre badge devenait rouge et un garde vous indiquait la sortie.
Un homme d’une cinquantaine d’année s’installa à côté de moi, il tenait une guitare dans sa housse.
Ses bras étaient entièrement tatoués, son cou également.
« Henry Hang, négatif. Veuillez quitter les lieux »
- Vous êtes musicien ?
Il tourna sa tête vers moi et son regard s’arrêta sur la trace rouge qui prenait naissance sur mon épaule gauche et remontait jusqu’à l’oreille. Je remontais pudiquement le col de mon pull.
- J’aimerais bien. Ca fait deux ans que j’arrive plus à lui sortir grand-chose. Je suis tout juste capable de répéter les mêmes gammes. J’ai fini par arrêter.
- Susan, j’étais chanteuse dans un groupe dans ma jeunesse.
- Richard, j’étais un putain de guitariste et un putain d’enfant de salaud avant que toute cette merde tombe sur le monde. J’essaye de voir si je suis compatible pour exploser ma guitare sur la tête de quelque chose qui le mérite.
- Je ne le l’espère pas ! Du moins, je veux dire, pour vous oui mais…
- Vous fatiguez pas. Tout est écrit de toute manière.
« Emma Crane, négatif. Veuillez quitter les lieux »
- Même cette saloperie d’Anathème suit le grand dessein de l’univers. Personne n’y échappera. Même pas dieu.
- Vous êtes croyant ?
- Ouais. Je crois au sexe, à la bouteille et à la défonce totale sans restriction.
- Vous allez étonner vos recruteurs.
- J’emmerde le Knight, j’emmerde les nanas qui me font la conversation quand j’ai mal au cul.
« Weimin Li, négatif. Veuillez quitter les lieux »
- Whisky ? Il me tendait une fiole métallique ornée d’un logo que je ne reconnaissais pas.
« Susan Engelmann, positif. Veuillez vous rendre hall deux s’il vous plait »
- Waouh, je parlais à une star… Il leva la fiole à mon intention et jeta sa tête en arrière en prenant une gorgée.
Mon badge passa au bleu. Je me levais un peu incrédule suite à l’annonce.
Les gens autour de moi applaudirent.

Mardi 21 juillet
Allongée sur le dos, le badge du médecin à vingt centimètres de mon œil droit indiquait « Rachel Callman ».
Sur ma gauche un infirmier tapait sur un clavier et faisait des allers-retours entre l’armoire à pharmacie et un plateau posé à proximité.
Le visage du médecin descendit à la hauteur du mien.
- Regardez-moi. Faites : « cheeeeeeze ! »
- Cheee… AIE !
L’infirmier quittait mon bras gauche un pistolet injecteur au bras.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Prise de tissus. Votre ADN nous intéresse, particulièrement dans les zones à séquelles. Vous venez de quel endroit exactement ?
- Je suis née au Connecticut mais j’étais dans le Massachussetts quand l’épidémie s’est déclarée.
- Relevez votre bras droit. Vous vous en êtes sortie comment ? (elle posait des électrodes un peu partout sur moi et réglait en même temps des paramètres sur sa tablette)
- Mon petit ami était directeur de recherche au M.I.T. Nous avons barricadé un laboratoire et cherché à comprendre le pathogène. Du moins Al et son équipe. Moi je suis plutôt branchée Télécom et nanotechnologie.
- Au M.I.T ? Rien que ça. Vous avez bénéficié d’une bourse ? Vous devez être particulièrement brillante.
- Mes parents ont financé mes études. Mon père est Michael Engelmann, le gouverneur du Connecticut. Je ne lui ai parlé qu’une seule fois après le début des événements.
- Vous êtes resté quasiment quatre ans dans ce laboratoire ?
- On sortait de temps en temps pour jardiner ou trouver des pièces détachées.
- Qu’est-ce qui vous a contaminé ?
- Un chien errant pour Al. Il avait passé les grilles du jardin. Pour moi, je ne sais pas trop. Sur la fin ça devenait compliqué de maintenir une quarantaine.
- Vous avez développé les symptômes mais vous avez réussi à survivre au virus. Vous devez être un cas particulier.
- Je me testais régulièrement. J’ai suivi le protocole expérimental d’injection mis au point par Al et son équipe. Mais ce n’était que quelques semaines avant la disparition de l’épidémie. J’ai supposé que le protocole avait suffisamment ralenti le virus.
- Vous allez devoir passer des examens complémentaires. Nous devons vérifier l’état de vos organes.

Jeudi 23 juillet
Le vestiaire était grand et dépouillé : un banc, une armoire à combinaison, une glace murale faisant toute la hauteur du sol au plafond. La porte du fond était énorme, au moins trois mètres de haut pour un peu moins de deux mètres en largeur. Elle semblait se verrouiller à l’aide d’une grande roue à poignées chromées. Sur son milieu était inscrit « Training room ».
Au milieu de la pièce, une armature maintenait en position verticale une sorte de combinaison largement ouverte.
Le haut-parleur grésilla :
« C’est votre vestiaire. Il n’y a pas de caméra, pas de risque pour moi de jouer les pervers. Je vais simplement vous guider. Déshabillez-vous entièrement et enfilez la combinaison. Elle va réagir à votre présence et s’adapter toute seule, ne vous inquiétez pas. Gardez votre calme surtout, elle ne va pas vous manger. Prévenez-moi dès que c’est fait »
Étrange de se déshabiller dans une pièce vide pouvant accueillir une équipe de football.
La glace me renvoya l’image de mon corps couvert de plaques de peau épaisse et rougeâtre.
Mon visage était celui d’une fille fatiguée qui ne mangeait plus vraiment à sa faim depuis un mois. Il ne me restait plus qu’une dizaine de jours d’accréditation pour mon pass de citoyenneté.
« Aucun organe ne semble avoir était abîmé. En fait c’est plutôt le contraire. J’aimerais bien savoir ce que contenait le protocole que vous avez suivi après votre infection. » Le docteur Callman avait lu le rapport d’analyses en me jetant un regard de temps en temps. « Seul l’épiderme conserve des séquelles visibles de la peste rouge. Si vous êtes enrôlée, revenez me voir, je pourrai vous arranger ça. »
J’enfilais la combinaison. Du moins au départ. Elle se referma ensuite sur moi toute seule et quelque chose s’activa. Une espèce de connexion neuronale. Je percevais la combinaison comme une part de moi-même. En parallèle, un étrange sentiment de présence m’envahi. Comme si cette nouvelle peau avait une volonté propre. Mais en même temps il y avait quelque chose de « sombre » dans le sentiment que j’en éprouvais. Peut-être celui d’être dans une machine à tuer.
- Je suis dans la combinaison
« C’est ce qu’on appelle une combinaison Guardian. La forme non-déployée de votre méta-armure. »
- C’est une méta-armure ?
« Et oui ! Surprise. Vous pouvez être fière, les postulants qui arrivent jusqu’ici ne sont pas très nombreux. »
- Je sens une espèce de « présence ». C’est assez bizarre.
« On appelle ça le fantôme. Votre armure est constituée d’un matériau appelé élément alpha. On le trouve en zone ennemie. C’est extrêmement résistant et cela se transforme également en source d’énergie dans certaines conditions. Hors coût technologique pur, c’est une raison supplémentaire pour ne pas laisser nos armures à n’importe qui. Des gens bien meurent régulièrement pour nous rapporter quelques centimètres cube de cette matière. Enfin bref, faudra vous habituer à la sensation. »
- Comment je… heu…
« Détendez-vous. Deux secondes… J’ai pas mal de trucs à régler. Levez le bras gauche. Ok. Bougez vos doigts… »
La combinaison répondait bien à toutes mes demandes. Par ailleurs chaque effort semblait facile. Assisté.
« Ok. On va passer aux choses sérieuses à présent. Soufflez un coup. Détendez-vous… C’est parti. »

« Nous allons faire un test ensemble pour folder votre armure. »
- Folder ?
« La déployer en quelque sorte. Je viens de la déverrouiller. Voilà comment on va procéder, ne vous précipitez pas, si vous trouvez le vestiaire plutôt grand, si vous faites n’importe quoi, vous allez vite le trouver trop petit. »
- Vous ne me rassurez pas beaucoup Harvey.
« Je vais vous donner l’astuce pour déployer l’armure. Vous allez l’appliquer puis vous concentrer tout de suite pour retrouver votre calme. C’est bien compris ? »
- Oui…
« L’astuce pour folder l’armure est de penser à un de vos souvenir les plus violent. Go ! »
Rien ne se passa.
« Susan ? »
- Un moment je… hum… ok, j’ai trouvé.
Je revivais la scène où, sortant des plantations, l’énorme chien errant sauta sur Al pour déchiqueter sa protection.
Je me rappelle avoir aperçu un « folding » devant mes yeux alors que ma combinaison semblait exploser et que j’étais soulevée de plusieurs centimètres. En une fraction de seconde j’étais à l’intérieur d’une interface high-tech et plusieurs nouvelles sensations s’offraient à moi toutes assez étranges. Par ailleurs, le « fantôme » semblait s’être atténué. Je ne le ressentais plus que de manière beaucoup plus diffuse. Je soulevais sans effort mon bras, protégé par une lourde structure de métal clair. J’essayais de faire un pas. Je senti un très léger décalage entre les micro-ajustements de mes pieds et ceux de l’armure. Mais cela fonctionna. Je tentais la même chose de l’autre jambe, puis de nouveau sur la première. J’avais fait avancer mon corps d’un mètre. Je le fis pivoter pour me mettre en face de la glace murale.
Là encore la sensation fut un peu étrange mais la méta-armure semblait s’ajuster à ma demande.
La glace me renvoya l’image d’un corps issus d’un croisement entre une armure intégrale high-tech et une sorte d’écrevisse alien. Cela ressemblait vaguement à une armure médiévale modernisée pour le haut, tandis qu’une sorte de jupe ornait le bas. Deux tons de couleurs clairs harmonisaient les différentes plaques d’armure. Le casque renvoyait une impression de calme martial et mes yeux n’étaient pas perceptibles derrière une fente minimaliste fumée. Même mes doigts étaient couverts de plaques métalliques coulissantes. Devant mes yeux défilaient des paramètres en réalité augmentée.
- Elle est magnifique.
« C’est noté. J’en toucherai deux mots au créateur. Ça lui fait toujours plaisir ce genre de retour.»
- Elle est très différente de celle du chevalier « Branch ». Moins massive. Elle me fait penser à une sorte de religieux en armure.
« Normal. C’est une PRIEST. Branch pilote une WARRIOR. Ce sont deux armures de première génération avec des options différentes. Celle-ci est moins blindée que la warrior mais le champ de force est plus fort et votre réserve d’énergie plus grande. Les autres possibilités intrinsèques de l’armure sont aussi très différentes. Je vais vous expliquer tout ça.»
- J’ai pas mal de questions Harvey.
« Je n’en doute pas… »
- La première est peut-être qu’une impression mais à partir du moment où elle a « foldé » j’ai senti une atténuation du « fantôme ».
« Ce n’est pas qu’une impression. C’est dû au champ de force de l’armure, plus il est puissant, plus il atténue la sensation. Ne me demandez pas pourquoi. Les plus brillants esprits du Knight ne sont pas d’accord sur le sujet. »

Mercredi 29 juillet
Les tests en tous genres s’étaient succédé : contrôles de santé physiques et mentaux, exercices de « pilotage » de méta-armure et enfin, des tests de combat « réels » en salle.
Le niveau d’accréditation de mon badge de citoyenneté avait été passé au niveau six et mes conditions d’hébergement dans Londres s’étaient largement amélioré, la qualité de mes repas aussi.
J’étais passé d’un studio miteux dans dark-city à un trois pièces au 16ème étage de la tour Harrison bien plus proche de Camelot.
Il y a deux heures un message m’indiquait que le chevalier « Kay » voulait me voir dans la soirée à Camelot. Il était 22h.
Je n’avais pas la moindre idée de qui pouvait bien être ce fameux chevalier Kay.
Je me présentais au hall des prospects comme à mon habitude mais l’accueil m’indiqua qu’il fallait cette fois que j’emprunte l’entrée principale de Camelot.
Devant l’entrée je fus presque déçue de ne pas revoir le chevalier Branch. À sa place, un autre chevalier en armure warrior me vit arriver. Sa silhouette était plus élancée. Une femme ?
- Bonsoir je…
- Susan Engelmann ? Vous êtes attendue par le chevalier Kay, section Ogre. Suivez les indications à l’intérieur. Je passe votre accréditation à silver. Cela vous donne accès à la zone centrale. Vous serez ensuite accompagnée d’un chevalier de la section ogre pour vous rendre jusqu’à votre rendez-vous.
La voix provenant de la méta-armure était effectivement féminine. Sur l’armure était indiqué « Corinth ».
- Ok… merci. Vous coupez toujours la parole des gens qui se présentent ici ?
- Oui, désolée, c’est dû aux informations de contexte relayées par notre IA. On nous le dit souvent. Hum… Écoutez, si c’est Kay qui vous attend vous devriez ne pas trop traîner.
- Qui est exactement le chevalier Kay ?
- Kay fait partie du comité directoire du Knight. De la « table ronde » si vous préférez. Elle dirige la section Ogre.
- Mince, j’ai cru à un nouveau test d’aptitude. J’aurais fait un effort sur ma tenue si j’avais su.
- Peu importe si c’est Kay qui vous reçoit. Bonne chance.
J’hochais la tête d’un air un peu contrit puis me dirigeais vers les marches donnant sur la grande entrée. Mon stress venait d’augmenter de manière significative.

Le bureau était spacieux mais pas tape-à-l’œil. La décoration était même plutôt sobre.
La seule chose notable dans ce domaine était la reproduction d’une tour Eiffel posée au centre d’une table basse et entourée de photos de rescapés et de scènes après combats.
Une grande fenêtre donnait une vue plongeante sur la Tamise. Les lumières dansantes des drones dans la nuit londonienne se mêlaient à celles de la ville.
J’étais assise dans un des fauteuils faisant face au bureau.
Le chevalier Kay était appuyé sur un des bords et faisait face à un écran mural qui jouait l’enregistrement d’un de mes combats non simulé contre deux androïdes.
C’était une femme longiligne aux cheveux pâles équipée d’une combinaison guardian sombre, plus fine et plus moulante que celle de la priest que j’avais essayé.
Elle avait à peine esquissé deux mots de bienvenue à mon arrivée.
- Vous pouvez m’expliquer ? Elle venait d’arrêter la vidéo alors que j’étais en train d’y démembrer méthodiquement les androïdes.
- Je… ils se relevaient toujours si nous nous contentions de les neutraliser. Il fallait les séparer en une demi-douzaine de parties pour limiter le risque. C’est idiot je sais… pour le test je veux dire.
- Oui… c’est idiot.
Elle se retourna pour gagner son siège, s’y asseoir et me faire face.
- Mais c’est compréhensible.
Elle fit défiler des pages de rapport sur sa tablette. S’arrêta, ouvrit une petite boîte devant elle, et me présenta son contenu.
Il s’agissait visiblement d’un assortiment de chocolats. Je refusais poliment avec la main.
Elle referma la boîte et se re-concentra sur sa tablette.
Le ballet lumineux derrière elle, ne faiblissait pas.
Elle releva la tête, s’enfonça légèrement dans son fauteuil et me regarda.
- Qui vous a appris à vous battre ?
- Un peu tout le monde. Certains avaient été flics ou pompiers… Je pense qu’il s’agissait plutôt d’astuces de vétéran. De gens qui avaient déjà combattu plusieurs fois les engins et en avaient retenu les tactiques efficaces.
Elle hocha la tête, refit défiler les images, secoua la tête et laissa échapper un infime soupir.
- Vous ne serez pas sous mes ordres, mais sous ceux du chevalier Lancelot. Il ne pouvait vous recevoir personnellement.

Bienvenue au Knight, écuyer Engelmann.

Novembre 2037
Le vector approchait de Paris.
Il faisait nuit noire. Nous entendions les chocs de la pluie sur la coque.
Berger et moi discutions des voies possibles de trajet à travers la cité à partir des plans satellites obtenus par Death.
Le ranger regardait devant lui le regard vide. Triple au contraire jetait des regards nerveux sur sa gauche pour apercevoir quelque chose à travers le Cockpit. La « warrior » semblait impatiente d’en découdre.
On ne voyait pour le moment pas grand-chose. Seules quelques données vinrent se surimposer en réalité augmentée : des données d’approche d’un avant-poste du Knight et un petit nuage de chiffres rouges en bas à droite de la surface vitrée. Clotilde, notre pilote annonça :
- Nous approchons de l’avant-poste. Il y a des bancs de noctes qui volent au-dessus de la ville. Je ne pourrai pas vous récupérer n’importe quand ou n’importe où.
Les lumières blafardes des projecteurs de la tour Eiffel commencèrent à percer péniblement les rideaux de pluie tandis que nous nous en rapprochions.
C’était un phare au milieu d’une mer de ruines.
Nous ne reconnûmes le monument qu’à une cinquantaine de mètres de lui.
Le vector se posa.
Une poignée de chevalier restaient ici en faction et surveillait l’évolution de l’Anathème. Ils ne disposaient d’aucun véhicule et étaient ravitaillés de temps en temps.
Ils nous indiquèrent qu’un vector avait été aperçu récemment au-dessus du Trocadéro et avait largué deux chevaliers dont l’un d’eux était en méta-armure paladin. Le deuxième semblait être le « rogue » qui composait le trio.
Le Trocadéro ? Intéressant… l’histoire des trois chevaliers noirs disait qu’ils s’étaient perdus lors de l’exploration de la zone du Louvre. Et que cette dernière était connue comme un endroit d’où on ne ressortait pas.
La méta-armure paladin devait laisser des traces.
Nous décidâmes de partir en reconnaissance et, depuis la tour Eiffel, le trajet ne serait pas très long.

Les jardins du Trocadéro étaient plongés dans une obscurité et un silence lugubre.
Chacun des bruits de notre déplacement menaçait de déclencher l’attaque de quelque monstre à l’affut.
Même si ce n’était pas celle de l’un d’eux, la bouche béante de la station du métro nous accueilli.
L’obscurité partielle nous invitait à être totale.
Devant l’accès, nous repérâmes les traces du vector et celles du paladin se dirigeant vers le réseau de transport souterrain.
Nous fîmes de même.
Une fois la porte passée, nous allumâmes prudemment nos lumières de position.
Death parti quelques mètres en avance afin de repérer une éventuelle menace.
Nous visitions le corps d’un gigantesque animal mort.
Il était plein de vie autrefois.
Les minutes se succédaient sans qu’aucun signe de vie ou de présence ne se manifeste.
Les traces se dirigeaient vers la station Chaussée d’Antin.
Soudain, des rires d’enfants nous parvinrent.
Ils étaient difficiles à localiser et dégageaient quelque chose de malsain.
Nous reprîmes notre marche.
Les rires revinrent un peu plus fort et cette fois provenaient d’une bifurcation tandis que la piste du paladin continuait dans une autre direction.
Les ténèbres semblaient cacher une menace mortelle riant de notre mort prochaine.
Nos caméras thermiques détectaient plusieurs tâches de ce côté.
Death commençait à paniquer :
- J’allume mes projecteurs et s’il y a quoi que ce soit, je vais me le faire !
Je le coupais aussitôt :
- Non arrête ! Surtout pas. Les traces continues dans l’autre direction. Suivons-les. Nous n’avons aucun intérêt à révéler notre présence où à nous écarter de la mission.
Triple semblait elle aussi d’avis de découvrir les enfants riants dans le couloir. Mais elle n’insista pas.
Les rires étaient suffisamment inquiétants pour provenir d'autre chose que de véritables enfants à sauver.
Pouvait-on vraiment imaginer qu’il puisse en exister encore dans cette ville maudite ?
En tout cas, le risque était trop grand à prendre. S’écarter de notre plan dans cette zone hostile était une mauvaise idée.
Nous continuâmes notre progression en direction de la station Chaussée d’Antin et laissâmes les rires enfantins derrière nous.
Je jetais ensuite régulièrement des regards en arrière.
Tant que nous ne serions pas sortis d'ici, une menace nous suivait peut-être en silence.

Nous venions de déboucher à l’air libre.
Drôle d’expression ici. Libre, il ne l’était pas vraiment.
Tout, même l’air, semblait pris sous la coupe de l’Anathème. Même les couleurs étaient affectées. Elles étaient maladives, à l’agonie, et laissaient peu à peu place au noir et au blanc.
Un grand bâtiment des galeries Lafayette attira notre attention.
À l‘étage, des regards rougeoyants nous observaient, prêts à jaillir de l’obscurité pour se jeter sur nous.
Death épaula son fusil « longbow » et tira. Cette fois, il ne me laissa pas l’occasion de l’arrêter.
L’arme envoya trois traces lumineuses qui percutèrent les créatures violemment.
Des cris de douleur inhumains retentirent. Puis vint aussitôt des cris de rage.
Deux d’entre eux ébranlèrent le quartier par leur puissance.
C’était un son rauque provenant d’une gorge mutante autrefois humaine et aujourd’hui perverti par une déviance animale. Des hurlements de faunes.
Le premier percuta Death, sortant tel un projectile du bâtiment. La méta-armure de notre ranger n’était pas faite pour résister à une telle violence !
Le deuxième sorti en direction de Triple qui, faisant preuve d’un sang-froid étonnant lui lança une salve de grenade.
Cette fois, plus de discrétion. La ville savait que nous étions là. Et elle voulait notre mort.
Berger sorti son fusil de précision et commença à tirer.
Je déployais ma tourelle de tir autonome tandis que j’arrachais la rampe d’accès au métro en guise d’arme blanche.
Des créatures plus petites vinrent en renfort des deux premières. C’était des formes animales mutantes où les griffes et les crocs semblaient avoir bénéficié d’un traitement de faveur. Des bestians.
D’autres jaillirent sur les toits et vomirent sur nous des gerbes de ténèbres.
Nous nous sentions perdus.
Je fus percuté violemment par un bestian mais la priest tint bon. Death colla son longbow sur le crane de son faune qui résista à l’impact. Triple abandonna son lance grenade alors qu’elle était percutée à son tour par un bestian. Elle brandissait maintenant un énorme marteau-épieu et l’abattit sur la créature.
Berger actionna le pouvoir spécial de sa warmaster et aussitôt nos mouvements d’esquive et d’évitement nous épargnèrent quelques coups supplémentaires.
Il fut percuté d’une violence inouïe par le deuxième faune.
J’achevais celui sur Death et réparais une partie de son armure juste avant qu’un autre bestian ne lui fonce dessus pour l’entamer. Ma tourelle crachait des balles sans discontinuer. Triple abattait son marteau-épieu couvert d’un sang noirâtre. Death libéré de son bestian ajusta un tir héroïque de son longbow et fit chuter sur le trottoir les bestians nous surplombant.
La violence du combat se calma brutalement alors que, nos méta-armures fumantes, nous achevions les derniers monstres. J'en profitais pour envoyer quelques nanites de la priest réparer une partie des méta-armures de Death et Berger. Une voix grave et puissante nous interpella depuis les ténèbres des galeries Lafayette. « Qui vient empiéter sur mon royaume ? »

Modifications apportées.

Humm, je me pose la question. Ne serait-ce pas plus simple de mettre les rapports de missions dans un seul thread vu qu'on va le faire 4+ mains ?
Si ça te convient Tori, on demande au seigneur de l'ombre de faire ce qu'il faut ?

Ghislain a écrit:<voix off>
Petit détail, concernant le passage souterrain : il s'agissait de rires d'enfants, et de plusieurs "tâches" au thermique.

Des feux follets je vous dis... Et d'ailleurs, je ne vous parle pas des traces que j'avais vu, histoire de pas trop embrouillé John (la suite m'a donné raison ^^).

Thrr-Gilag a écrit:Humm, je me pose la question. Ne serait-ce pas plus simple de mettre les rapports de missions dans un seul thread vu qu'on va le faire 4+ mains ?
Si ça te convient Tori, on demande au seigneur de l'ombre de faire ce qu'il faut ?

Je suis tout à fait d'accord.
Je trouvais plus sympa d’innover en faisant chacun un bout du résumé de la partie.

ça me paraît une bonne idée de faire un topic par scénario avec dans le titre "[rapport de mission]" ou "[rapport]".

[musique cantique]
Ô Ghislain,
Grand maître des Ténèbres
Le rire derrière le masque
La beauté derrière la dame
Le muscle derrière la chair
L'opiniatreté derrière la bête
Et l'Intelligence de la Machine

Toi qui a les pouvoirs de modérations.
Copie/Colle donc nos (d)ébats
Un seul topic pour les rassembler
Un seul topic pour mieux les compulser
Et dans les Ténèbres à jamais les lier !
(je sens que la coterie va pas faire long feu).

PS : en fait, tu n'as plus qu'à faire le ménage de ce qui a été déplacé par Tori l'éclair et moi ^^

C'est nickel !
(c'est ça le pouvoir, que les choses soient déjà faites avant que je m'en occupe 

The knight angel
Rencontre avec Susan Engelmann, chanteuse-guitariste du groupe « No surrender » et chevalier du Knight en exercice. Barbra Cunningam pour le London light.

Susan Engelmann, aka "Angel" du groupe No surrender et chevalier écuyer au Knight.


London Light : Susan, vous êtes américaine, pouvez-vous nous raconter en quelques mots votre vécu des évènements aux states jusqu’à votre arrivée à Londres.
Susan Engelmann : J’étais en première année de nanotechnologies et intelligence distribuée au M.I.T lorsque l’épidémie de peste rouge s’est déclarée. La plupart des gens sont morts rapidement dès les premières semaines. J’ai eu de la chance de pouvoir me réfugier avec d’autres universitaires dans un des labos reculés du campus.
Ensuite, lorsque l’épidémie s’est arrêtée nous avons dû faire face à l’Anathème. Il a fallu bouger, trouver une communauté de résistants… J’y ai beaucoup appris de ce qui fait la base de mon métier au Knight aujourd’hui.
Lorsque nous avons pu gagner le Canada, notre communauté s’est dispersée et j’ai entendu parler du Knight.
Je n’avais plus aucun espoir de retrouver ma famille, j’ai donc décidé de tenter l’expérience.

LL : Vous arrivez à Londres et là vous rencontrez Richard Tusk, votre futur guitariste lors des tests d’aptitudes à Camelot.
SE : Une rencontre assez brève. On n’est pas fait du même bois tous les deux mais on s’est tout de suite respecté. Richard n’arrivait plus à jouer à l’époque. Puis on s’est retrouvé régulièrement dans le même bar et je l’ai traîné plusieurs fois sur la scène pour qu’il lâche quelques accords. Il a fini par retrouver le truc. Il disait que j’étais désaccordée et n’arrêtait pas de jouer mes lignes de chant à la guitare sèche. Aujourd’hui, c’est lui qui compose la plupart des morceaux du groupe.

LL : Vous êtes connue sous le nom d’Angel du groupe No surrender mais peu de gens savent que vous êtes un véritable chevalier du Knight en exercice. Comment arrivez-vous à concilier les deux ?
SE : Camelot encourage les activités artistiques. Le plus difficile est de maintenir un planning de tournée quand vous pouvez être appelée en mission n’importe quand. On se débrouille. Lorsque je ne suis pas là, c’est Stuart notre bassiste qui chante. Richard dit qu’il a une voix de gonzesse, du coup, tout va bien. [rires]

LL : Au Knight vous faites partie d’un groupe d’assaut particulier. Vous êtes les écuyers du chevalier Lancelot. Que pouvez-vous nous dire sur votre groupe, quelle est la nature de vos missions ?
SE : Nous combattons l’Anathème où qu’il se trouve. Les missions sont assez variées. Pour le groupe, c’est Lancelot qui l’a constitué à partir des éléments dont il disposait à l’époque. Nos profils sont assez différents, chacun a un peu sa spécialité.

LL : Vous êtes surnommée Angel, d'où vient l'idée ?
SE : Angel est mon nom de scène. C’est Richard qui me l’a donné par transformation d’Engelmann je suppose et par le fait qu’il récupérait sa créativité à l'époque. Au sein du Knight, j’ai un surnom oui, mais ce n’est pas Angel.

LL : Votre équipe en a un aussi ?
SE : Oui. Second chance. C’est en rapport avec notre première mission.

LL : Comment cela s'est-il passé pour une première ? Comment les chevaliers du Knight opèrent-ils sur le terrain et luttent contre l’Anathème ?
SE : Cela fait beaucoup de questions. [elle réfléchit] La première mission est un peu particulière. C’est là que vous apprenez à travailler avec vos coéquipiers. Que vous trouvez votre place.
Nous avons commencé par une mission de démantèlement d’un réseau de drogue ici à Londres. Puis nous avons enchaîné directement par une mission de sauvetage à Paris. Nous avons participé à une grande bataille contre l’Anathème avec d’autres chevaliers. Trois équipes de chevaliers pour être précise, ainsi que des ingénieurs et logisticiens en place à Paris.
Nous y avons sauvé des enfants. Leur sourire dans le vector quand nous volions vers Londres est un de mes meilleurs souvenirs de mission.

LL : Quels sont les autres membres de Second Chance ?
SE : Nous sommes cinq réguliers auxquels se greffent parfois d’autres chevaliers pour les besoins de la mission en cours ou tout simplement pour pallier à l’absence de l’un d’entre nous.
Deux d’entre eux viennent de France : Berger, un ancien politicien de premier ordre qui a tenu une ville française contre l’Anathème au début des événements et Death, un soldat d’élite qui ne manque jamais sa cible. Les autres membres sont Stark qui est en fait une célébrité à Camelot. En fait « Stark » ce n’est pas vraiment son véritable surnom mais c’est comme ça que je l’appelle pour le taquiner [rires]. Enfin, il y a Triple qui est une héroïne de l’Eurocorps et qui est un peu notre maman à tous.

LL : Que pouvez-vous dire aux lecteurs du London Light en tant que chevalier du Knight et membre du groupe No surrender ?
SE : Gardez espoir. Le knight est là ! Et si vous voulez nous aider : chantez, dansez, participez à des concerts, allez voir des œuvres dans les musées. Donnez de la couleur à notre cité et ne vous rendez jamais.

Le London Light remercie la Direction de Camelot et particulièrement les chevaliers Lancelot et Angel pour leur courtoisie.